La députée LREM du Bas-Rhin Martine Wonner, également médecin, est très en colère contre le gouvernement. Elle a voté contre le plan de déconfinement du gouvernement présenté le 28 avril à l'Assemblée nationale. C'est la seule députée de la majorité à avoir voté contre. Elle s'en explique.
"A l’heure où je vous parle, je suis encore à La République en marche", Martine Wonner a une voix calme et posée au téléphone ce samedi 2 mai. Elle est convoquée mercredi 6 mai à 14 heures en visioconférence par le bureau de LREM à l’Assemblée nationale. "Gilles Legendre et les 8 "whips" seront présents. "Whip" ça veut dire fouet en anglais, c’est eux qui nous appellent avant un vote, pour nous dire la conduite à adopter sur tel ou tel texte. Ils sont là pour discipliner les députés de la majorité", dit-elle, un brin de sourire dans la voix.
La députée de la 4e circonscription du Bas-Rhin se dit "pas du tout inquiète. Ils vont me demander de m’expliquer sur mon vote du 28 avril contre le plan de déconfinement du gouvernement. Et je n’ai aucun problème avec ça."
Sur les 297 députés de la majorité, 6 se sont abstenus, Martine Wonner est la seule à avoir voté contre le plan de déconfinement présenté par le gouvernement à l'Assemblée nationale.
Pas de stratégie thérapeutique
"Si j’ai voté contre le plan de déconfinement, c’est d’abord parce que le gouvernement ne propose aucune stratégie thérapeutique. La gestion de la crise sanitaire est catastrophique. "Protéger, tester, confiner", c’est très bien, il faut continuer comme ça. Sauf que dire aux gens, "si vous avez des symptômes, vous restez chez vous et vous prenez du doliprane", au XXIe siècle, c’est totalement indigne", martèle l'élue alsacienne.
Elle a lancé avec d'autres médecins le collectif "Laissons les médecins prescrire". Ensemble, ils réclament une liberté de prescription par les médecins généralistes de ville, "à même d'assurer le suivi de leurs patients et de contrôler les effets secondaires de médicaments connus depuis longtemps". Ils disent aussi vouloir éviter l'automédication de patients qui se procurent ces médicaments sur internet.
Actuellement, seules les pharmacies hospitalières peuvent prescrire ce médicament pour les patients hospitalisés. Deux décrets, le deuxième datant du 25 mars, et venant compléter celui du 23 mars réservent l’hydrochloroquine aux patients hospitalisés avec des signes de gravité (patients sous oxygène ou en réanimation), ce qui ne convainc pas les médecins du collectif. Et pour Martine Wonner, c'est un non-sens : "on sait que l’hydroxychloroquine ne fonctionne que si elle est associée avec l’azythromicine et tout au début de la maladie, quand la charge virale est importante. Quand on est obligé de prendre de l’oxygène, ce n’est plus le virus qui s’exprime, mais c’est l’effet inflammatoire et la réponse immunitaire associée".
"Oui il y a des traitements possibles. C’est la raison pour laquelle j’ai voté contre ce plan de déconfinement. Parce qu’on ne peut pas en toute sécurité dire aux gens de reprendre leurs activités, les enfants l’école et dès qu’on vous aura dépisté positif, vous serez confinés avec une boîte de dolipranes. Pour moi c’est un scandale." Le collectif publie sa propre étude, faite sur 88 patients.
Étude à l'appui, un collectif de médecins plaide pour la liberté de prescrire en ville l'hydroxychloroquine contre #COVID__19 #azithromycine #Hydroxychloroquine #soins #coronavirus https://t.co/qgkB1jLSZe
— Laissonslesprescrire (@Laissonslespre1) May 1, 2020
rapport complet sur https://t.co/7pNTe0jY2F @Laissonslespre1
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Défiance envers les médecins de ville
Les deux décrets sont à l'opposé des mesures concrètes qu'il faudrait prendre, selon l'élue. "On a perdu du temps et des vies, on aurait pu épargner énormément de décès. Parce que les médecins connaissent leurs patients et qu'ils connaissent les effets secondaires de cette molécule, utilisée depuis longtemps. C’est la première fois en France qu’on limite la libre prescription des médecins, ça ne s’est jamais vu."Elle espère qu'une commission d’enquête parlementaire sera constituée rapidement. "Moi je connais 1.000 confrères qui vont porter plainte, plus les familles. La direction générale de la santé et le ministère de la santé devront rendre des comptes, c’est obligé".
Elle a obtenu les données de pharmacovigilance sur l'hydrochloroquine de Dominique Martin, directeur de l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) des trois dernières années ( de 2017 à 2019). "A force de le relancer, il a fini par me les donner. Je les ai fait analyser par notre collectif, moi je suis psychiatre, mais nous avons parmi nous des pharmaciens, des généralistes, des immunologues. Trois millions de boîtes ont été distribuées en trois ans, il y a eu deux décès : un patient s’est suicidé avec ce médicament, et un patient qui prenait plusieurs autres médicaments, et dont on ne peut établir le lien entre hydrochloroquine et décès). Il n’y a aucune explication qui justifie le retrait de la prescription pour les médecins libéraux. C’est un scandale !"Il n’y a aucune explication qui justifie le retrait de la prescription pour les médecins libéraux. C’est un scandale !
- Martine Wonner, députée du Bas-Rhin
Depuis quatre semaines, une pétition circule pour demander au gouvernement d'autoriser les médecins de ville à prescrire ce médicament, elle est signée par l’ancien ministre de la Santé Philippe Douste-Blazy, Martine Wonner, Jacques Marescaux et Patrick Pelloux entre autres. 573.148 l’ont signée au 2 mai. De son côté l'ANSM continue de mettre en garde contre les effets secondaires, notamment cardiaques.
"Le péché français"
Son analyse est sans appel. "Je crains que ce soit le péché français, de laisser notre pays aux mains d’une poignée de hauts fonctionnaires qui ont le sentiment d’avoir en toute situation la maîtrise et la science infuse. Il me semble qu’ils sont adaptés à un fonctionnement étatique classique, hors crise. Mais ils sont incapables de gérer des décisions à prendre rapidement. On le voit sur les masques, sur les tests et sur cette question d’un traitement."Je ne fais plus du tout confiance à ce gouvernement, je continue à garder ma confiance dans le président.
- Martine Wonner a voté contre le plan de déconfinement du gouvernement
Le gouvernement a menti sur les masques
"Ils ont menti depuis le début. Au lieu de dire honnêtement "on n’a pas suffisamment de protections, on va commencer par un confinement drastique, et quand on aura des masques pour tout le monde, on va alléger". C’est cette absence d’humilité du Premier ministre mardi qui me gêne, à aucun moment il ne fait amende honorable pour dire qu’il s’est trompé."
Les ordres des soignants ont publié une lettre ouverte, dénonçant l'interdiction faite aux pharmaciens de vendre des masques sans ordonnance aux personnes fragiles ou malades notamment. Voici un extrait de cette lettre :
"Aujourd’hui, la consternation s’allie au dégoût. Toute guerre a ses profiteurs. C’est malheureusement une loi intangible de nos conflits. Comment s’expliquer que nos soignants n’aient pas pu être dotés de masques quand on annonce à grand renfort de communication tapageuse des chiffres sidérants de masques vendus au public par certains circuits de distribution." Les présidents des ordres des médecins, infirmiers, sages-femmes, chirurgiens-dentistes, masseurs-kinésithérapeutes, pédicures-podologues et pharmaciens ont signé cette lettre.
"Pendant ce temps-là, la grande distribution a pu se faire ses stocks et les pharmaciens avaient plus la liberté de proposer aux patients vulnérables un masque. Ils sont scandalisés de ne pas pouvoir offrir un masque aux personnes fragiles. Certains l’ont fait discrètement. C’est scandaleux de ne plus faire confiance aux professionnels de santé dans les territoires." Martine Wonner est en colère.